Les animaux bercent ma vie et surtout mon imaginaire depuis de très nombreuses années. Autant de façon positive que néfaste: J’ai par exemple eu des chevaux proches de moi depuis mon enfance. J’ai beaucoup monté jeune, puis y suis devenu tellement allergique qu’il m’est aujourd’hui quasi impossible de m’en approcher.
Bien que ce soit peu moral et très contesté, j’ai visité nombre de zoos, notamment cet été où j’ai vu les zoos de Berlin, Cologne et de Munich afin d’observer les animaux exotiques de manière plus directe. Bien que ce soit des animaux maltraités à cause de l’espace restreint qui leur est imparti, je considère le fait d’aller les voir pour observer en détails leurs mouvements, leurs poses et leurs musculatures indispensable pour mieux les comprendre et les dessiner par la suite. Bien entendu, j’ai également complété ces visites par les observations d’animaux naturalisés dans les différents muséums.
Je travaille ainsi à partir de croquis réalisés sur du réel, animaux vivants ou empaillés, ainsi que sur des photographies, ou des estampes japonaises. Mais ces animaux sont porteurs d’un message précis selon leurs espèces. Je les sélectionne selon des événements souvent funestes tels que ceux que l’on peut suivre à la radio, dans les journaux ou sur les réseaux parsemées des nombreuses mauvaises nouvelles que notre société affronte : les guerres, les attentats, la démocratie malmenée avec ces 49:3 qui se succèdent dans l’indifférence …
Je me réfère également à des événements personnels que ce soit des déceptions, des échecs, ou un sentiment de solitude (les deux ours blancs en sont une manifestation par exemple).
Ces animaux ont donc une double lecture comme dans beaucoup de réalisations dites naïves ou d’illustrations de jeunesse; on pourrait au premier abord m’attribuer une lecture sympathique: des portraits d’animaux mis en scène qui chantent, dansent dans un grand carnaval tel celui de Camille Saint Saëns. Cependant, mes représentations d’animaux engendrent également une autre lecture, plus dure sur des traumas, des échecs, des peurs, ou tout simplement une échappatoire d’une dépression qui me poursuit depuis plus de 10 ans et dans lequel je trouve enfin un apaisement dans le fait de les peindre, les dessiner et ainsi d’extérioriser des souffrances.
Ils sont aussi un moyen d’expression de mon effarement face à cette société qui se gangrène de jour en jour avec un regard plus particulier sur les 5 rhinocéros que je vous présente: Ce sont mes dessins les plus anciens et à l’origine de cette passion animalière qui m’a prise ces 6 derniers mois de façon bien plus intense qu’auparavant. Ils sont tels que dans la pièce d’Eugène Ionesco : Rhinocéros. Cette pièce écrite en 1959 et jouée dans un premier temps à Düsseldorf, puis à Paris, présente une ville où les habitants se transforment tous, petit à petit, en Rhinocéros, avec tous les désagréments que la présence d’une telle bête puisse apporter en ville (la mort d’un chat notamment au premier acte).
Ces rhinocéros sont en effet une métaphore de l’arrivée du Fascisme, la pièce montre très bien comment au début la présence des rhinocéros effraie la population, et qu’à la fin, on s’y habitue jusqu’à ce que tout le monde se soit métamorphosé, ou presque.
Je pense que nous sommes à une époque où, que ce soit dans nos médias ou dans nos rues, les rhinocéros fascistes se multiplient et paraissent pour un grand nombre d’entre nous de plus en plus acceptables. Pour moi, l’acte IV illustre notre situation actuelle où l’on sera peu à devoir résister. Ces rhinocéros, j’en ai réalisé plus d’une centaine, sont un de mes actes de résistance. Une protestation.
Cette multitude de portraits d’animaux pourrait servir de toile de fond à l’acte final de la pièce et derrière leur air sympathique, leur multitude, se cache l’affreux visage du fascisme qui aujourd’hui plane sur notre société.
Exposées au café de la Plage, mes réalisations ont dans cette optique beaucoup de sens; je n’ai pas présenté que des Rhinocéros, ils sont là avec d’autres animaux qui cachent également un visage sale de notre société qui empire de jours en jours. Le café de la Plage, lieu privilégié où je passe un temps non négligeable et où je me sens en sécurité des Fascistes est un lieu à la fois inespéré, plein d’espoirs, parfois riche des discussions que nous pouvons y mener et pour les événements de résistance qui s’y passent. C’est un véritable refuge pour moi et d’autres malheureux de la mondialisation et de l’hyper libéralisme (et bientôt fascisme j’en ai bien peur) que nous sommes, que nous soyons, Artistes, amateurs ou non, Militants, Enseignants ou simples habitués du bar depuis des années. Cette exposition, c’est pour moi une véritable chance, mais aussi une façon de vous remercier pour beaucoup de m’avoir accueilli parmi vous.
MACAGNO Cosimo.
Le 6 décembre 2023